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Le point de vue juif sur la responsabilité des hommes envers les autres créatures. 
 
 
Un large malentendu s’est créé autour du sujet des droits des animaux, de leur souffrance et de la reconnaissance ou non par le Judaïsme du concept de défense des espèces en voie de disparition. Penchons-nous sur cette question afin d’apprendre quel est notre rôle sur la planète et notre responsabilité envers l’environnement. 
 
L’intérêt que nous portons à ce problème découle de l’idée qu’une compréhension plus approfondie du point de vue de la Torah sur les souffrances des animaux peut amener une personne à éprouver plus de compassion pour les sentiments de son prochain ; par contre, il nous semble que de négliger ce sujet peut produire l’effet inverse. Il s’avère en effet que de nombreux assassins en série ont, pendant leur enfance, perpétré sur des bêtes des actes relevant à la fois du grotesque et du sadisme. Par conséquent il n’est pas exagéré d’affirmer que de même qu’un individu ou une société traite ses animaux, de même en use-t-il avec ses semblables.  
 
La Torah semble faire montre d’une grande pitié envers les bêtes dans les domaines suivants : 
 
• Le commandement au sujet des oiseaux appelé Chiloua’h haken consistant à renvoyer la mère de son nid avant d’y prendre les œufs ou les oisillons. (Deutéronome 22 :6,7)  
• L’interdiction Oto ve’et beno d’abattre une bête et son petit le même jour (Lévitique 22 :28). 
 
Autres exemples d’interdiction basés sur la compassion envers la souffrance des animaux  
 
• « Ne laboure pas avec un bœuf et un âne attelés ensemble » (Deutéronome 22 :10)  
• « Ne muselle pas le bœuf quand il foule le grain » (Deutéronome 25 :4) 
 
Dans la Guémara figurent également l’interdiction à caractère général – tsaar ba’alei ‘haïm - de causer des souffrances aux bêtes (Talmud Babli : Baba Metsia 32b) et l’exigence de nourrir d’abord ses animaux avant de manger soi-même. 
 
Néanmoins, la Torah tolère et même permet de consommer des animaux ainsi que de les sacrifier afin de racheter nos péchés (korbanot). En particulier, la mitsva de Egla aroufa est des plus singulière. Si le cadavre d’un homme assassiné est trouvé dans la campagne et que le meurtrier n’est pas découvert, les anciens de la ville la plus proche et la plus peuplée sont tenus d’expier le crime commis sur un innocent ; par quel moyen ? Eh bien, en brisant la nuque d’une génisse innocente et sans défense. (Deutéronome 21 :1-9) 
 
Comment peut-on expliquer l’attention et le dédain tour à tour affichés, et ce de manière sélective, par la Torah envers les animaux ? Quelles leçons peut-on tirer de ces messages déroutants et apparemment contradictoires concernant notre responsabilité et notre compassion à l’égard des animaux ? 
 
L’origine fondamentale de cette discussion se trouve dans la Guémara (Talmud Babli : Brakhot 33b) ; elle examine une pratique jugée incorrecte de certains chantres – chalia’h tsibour – qui intercalaient une prière louant D.ieu de Sa pitié pour la « mère-oiseau », se référant ainsi à la mitsva de Chiloua’h haken. Une raison donnée par la Guémara selon laquelle les sages désapprouvaient cette prière est : « Car une telle formulation laisse entendre que D.ieu est tout miséricorde alors qu’en fait Ses actes ne sont que purs décrets. » 
 
En apparence, cette affirmation est extrêmement difficile à comprendre, car cela laisse supposer que D.ieu n’agit pas par pitié alors qu’en fait, en plusieurs autres endroits de la Torah, Il est caractérisé par Sa miséricorde (par exemple Exode 34 :6).  
 
Manifestement la Guémara ne doit faire référence qu’aux bêtes et non pas aux humains. En d’autres termes, les Sages n’approuvent pas que, dans la prière, on fasse l’éloge de D.ieu pour Sa pitié à l’endroit des animaux en se fondant sur différentes mitsvot telles que Chiloua’h haken parce que, en ce qui les concerne, D.ieu n’agit pas par commisération.  
 
Cependant, ceci est aussi apparemment difficile à saisir parce que quiconque interprète les mitsvot mentionnées ci-dessus selon le bon sens ne peut qu’arriver à la conclusion que leur but est de montrer la compassion et la pitié pour les créatures de D.ieu. 
 
Cette mitsva et celles qui lui sont similaires (comme Oto ve’etbeno, « Ne laboure pas avec un bœuf et une âne attelés ensemble », « Ne muselle pas le bœuf quand il foule le grain ») nous amènent forcément à croire que leur objectif est de faire montre de compassion et de pitié pour les créations de D.ieu. En vérité, là encore, toute autre interprétation est contraire à l’intuition ! 
 
Pour Maïmonide, les animaux éprouvent vraiment de la peine, parce que, sur le plan des émotions, ils ressemblent aux hommes. 
 
Maïmonide et Nahmanide donnent un éclairage différent sur ce passage du Talmud, chacun d’eux souscrivant à l’idée qu’effectivement, selon l’éthique de la Torah, on est dans l’obligation de traiter les animaux avec mansuétude et que c’est justement le fondement même de ces mitsvot.  
 
Néanmoins, en raison de leur divergence d’opinion, nous nous trouvons face à deux points de vue différents sur la souffrance et la préservation des animaux.  
 
Dans Le Guide des Egarés (3 :48), Maïmonide affirme :  
 
« La raison sous-tendue dans les mitsvot Chiloua’h haken et Oto ve’etbeno est l’interdiction d’abattre un enfant sous les yeux de sa mère. Car, dans ces circonstances, les animaux éprouvent une intense angoisse, tout à fait analogue à celle ressentie par les êtres humains ; l’amour d’une mère pour son enfant ne relève pas du domaine cognitif [mais plutôt du domaine émotionnel]. »  
 
Pour Maïmonide, la Guémara dans le traité Brakhot qui s’oppose directement à son avis, correspond à une opinion minoritaire selon laquelle il n’est pas permis généralement de chercher de raisons aux mitsvot. Et par conséquent, la Guémara réprouve toute suggestion d’attribuer la raison de ces mitsvot à la miséricorde divine. Maïmonide, quant à lui, affirme que non seulement il est autorisé d’étudier et de chercher les raisons des mitsvot, mais il faut également encourager cela! (Voir Yad, Hilkhot Temoura 4 :13 et Hilkhot Meila 8 :8). C’est pourquoi, d’après Maïmonide, l’opinion exprimée dans la Guémara n’est pas la Halakha. 
 
Alors que, selon l’opinion de Maïmonide, les animaux éprouvent vraiment de la peine, parce que, sur le plan des émotions, ils ressemblent aux hommes, la position de Nahmanide sur ce sujet est plus réservée (voir son commentaire sur Deutéronome 22 :6).  
 
Il soutient que la Torah ne se soucie pas des sensations, en tant que telles, des animaux, car l’on voit en fait qu’il est permis de les manger et de les utiliser comme sacrifices. Cependant, la Torah ne désire pas nous voir adopter un comportement subjectivement cruel de peur que nous soyons marqués par des traits de caractère mauvais, même si objectivement l’animal ne souffre pas.  
 
Toujours selon Nahmanide, ces mitsvot nous enseignent comment nous conduire en faisant preuve de pitié et de bienveillance et, de plus, elles nous encouragent à prendre conscience qu’il faut défendre l’environnement et cela, en veillant à ne pas provoquer l’extinction de toute une espèce. L’interdiction d’abattre une vache et son veau en même temps en est le symbole. 
 
Probablement, Nahmanide est d’avis que le bêtes n’ont pas assez d’intelligence ou de conscience de soi-même pour souffrir, et c’est la raison pour laquelle la Guémara dans Berakhot considère comme erroné et absurde de louer D.ieu pour la pitié qu’Il a envers les animaux alors que dans autres endroits, la Torah permet de les tuer. Néanmoins, de manière subjective, les hommes n’ont pas le droit de les traiter cruellement afin de cultiver des qualités de miséricorde et de respect de l’environnement. 
 
Il semble qu’il y ait des courants de pensée au sein de certains camps de défense de l’environnement qui souhaitent promouvoir l’égalité des animaux en mettant en avant la cruauté et l’arrogance de l’homme et son insignifiance dans le plan de l’Univers.  
 
Après tout, si nous ne sommes au fond que des animaux, en quoi sommes-nous blâmables d'adopter une conduite morale relâchée ?  
 
Ceux qui avancent ces idées ont peut-être de nobles intentions (nous n'avons pas pour objectif de diffamer les personnes qui aiment sincèrement les animaux et qui font preuve à leur égard de compassion ; après tout, nos aïeux exerçaient eux-mêmes le métier de berger). Mais nous estimons qu’une part de ces idées provient du désir de réduire l’homme au rang d’animal plutôt que tout simplement celui de protéger les droits des bêtes.  
 
Un tel système de croyances conduit inconsciemment à la création d’une société plus permissive pour l’homme. Après tout, si nous ne sommes au fond que des animaux, en quoi sommes-nous blâmables d’adopter une conduite morale relâchée ? Si nous sommes dominés par nos émotions, alors nous ne valons pas mieux que des babouins dans la forêt. Et si les animaux s’accouplent à leur gré, pourquoi ne le pouvons-nous pas ? Mais cela, justement, n’est pas ce en quoi nous croyons. 
 
En fait, mieux comprendre le point de vue de la Torah sur la souffrance animale peut nous conduire à éprouver plus de compassion pour les sentiments d’autrui et à assumer les responsabilités morales qui nous incombent en tant que gardiens du monde. Approfondir notre sentiment de pitié pour les animaux aura le pouvoir de nous aider à devenir meilleurs et à améliorer nos actions pour protéger le monde. 
 
 
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Modifié en dernier lieu le 1.09.2008